Mythologie(s) n°40

Le Créateur d’une profusion

Sous la pression de l’esclavagisme arabo-musulman, puis de la colonisation occidentale favorisant les missions chrétiennes, les certitudes abrahamiques, communes dans leur prosélytisme, se sont imposées comme les deux principales théologies en Afrique subsaharienne. Malgré leurs coups de boutoir et leurs doctrines, ces dogmes importés n’ont cependant pas totalement éliminé les ferveurs autochtones, le syncrétisme agissant parfois comme un incubateur de nouvelles pratiques. La religion traditionnelle de l’Afrique noire est avant tout celle des ancêtres. Elle est d’une abondance extraordinaire. Dans la mesure où chaque ethnie, voire chaque groupe, possède ses propres cultes et rites, la profusion des récits, des divinités et des cérémonies est fabuleuse. L’imaginaire semble ne rencontrer aucune limite en la matière. Il existe un dieu unique : le Créateur, mais les intermédiaires entre les hommes et le grand Invisible se bousculent avec le possédé, le roi sacré ou le forgeron maître du feu ici-bas et les ancêtres dans l’au-delà.

Parce que l’absence d’écriture a empêché la fixation des doctrines, la théologie africaine n’est pas formulée en concepts. C’est peut-être là sa liberté et le secret de son pouvoir créatif. Les vérités essentielles résident dans les mythes et les coutumes. Dans un monde qui uniformise en se croyant créatif, nous plongeons ici dans le particulier et le global. Chaque groupe possède un patrimoine culturel singulier : des croyances et des rituels originaux. Néanmoins, tous obéissent à des principes identiques qui règlent la vie sociale, politique, artistique et économique : l’animisme, un dieu créateur et des divinités, le culte des ancêtres. La connaissance apparaît dans sa totalité, non fractionnée. Une colline est à la fois un espace géographique, le séjour d’un esprit et un lieu de cérémonie. Pensez-y pendant vos explorations bucoliques. Mais pourquoi implorer l’être suprême ? La religion romaine se vivait tel un contrat avec les dieux. Dans les religions abrahamiques, les croyants prouvent leur amour envers Dieu pour le recevoir en échange. Dans les religions traditionnelles africaines, l’homme semble vouloir devenir lui-même en s’impliquant dans l’ordre du monde, sous le regard des ancêtres et du Numineux, en sa voûte céleste. Bonne découverte.