Mythologie(s) n°44

Mythologie nordique, une force naturelle

L’âge dit viking (environ 800 à 1100) exerce sur notre imaginaire une fascination grandissante. La littérature et le cinéma se faisant l’écho des peuples des fjords, on imagine aisément ces fiers guerriers, paysans, pirates et commerçants écouter les chants mythologiques des scaldes, poètes des divinités et des héros. Des origines des neuf mondes, choc du feu et de la glace, au Ragnarök, fatale apocalypse de laquelle un tout renaîtra selon la prophétie du rusé Loki, les géants et les dieux se mesurent continuellement sous le regard des hommes. Sans Odin, le créateur tout-puissant qui affronta le colosse primordial et les géants de glace, et sans Thor, notre protecteur, que serions-nous devenus dans le chaos maintenu par les terribles créatures ? Mais une autre question s’impose.

Ces fabuleux récits, entourés de mystères et de magie, rendent-ils bien compte de l’imaginaire de la « religion » païenne nordique ? Rien n’est moins sûr. Les textes sont tardifs et ont été revisités d’un point de vue chrétien. Les deux grands mythographes scandinaves, l’Islandais Snorri Sturluson, auteur de l’Edda dite en prose, et le Danois Saxo Grammaticus, avec la Gesta Danorum, les ont écrits vers 1200. De leur « interpretatio christiana, græca aut latina », ils ont récupéré de « bons vieux mythes qu’ils n’entendent généralement plus », rappelait feu Régis Boyer. À y voir de plus près, selon ce fin connaisseur des langues, littératures et civilisations scandinaves, « le Ragnarök ressemble à l’Apocalypse chrétienne, les Valkyries aux anges, Odin à Mercure, Baldr à Baal, le chien-loup Fenrir à Cerbère, et ainsi de suite ». Pour autant, le charme opère plus que jamais, surtout depuis leur redécouverte par les romantiques au XIXe qui ont fait de la mythologie nordique un culte vivant des grandes forces naturelles, à l’ombre de l’arbre primordial Yggdrasil aujourd’hui en péril…