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La Corée, terre des esprits
Imaginez un pays convoité, isolé sur une langue de terre, ermite péninsulaire deux fois plus petit que la France. Coincée entre l’immensité russe et l’imposante Chine, voisin maritime d’un Japon autrefois dominant et belliqueux, longtemps la Corée s’est cloîtrée pour se faire oublier. C’est pourtant de sa division idéologique et territoriale récente qu’elle tire aujourd’hui sa publicité mondiale, pour le pire et le meilleur, dans les médias qui désormais lui prêtent oreille et sont ses porte-voix. Du Nord, régulièrement se fait entendre un dictateur rondouillard depuis son PC atomique. Venus du Sud, les écrans plats habillent nos salons, les smartphones sont du dernier cri (surtout dans les transports), la K-pop séduit les moins de vingt ans (je vous parle d’un temps et sans doute au-delà), un cinéma d’auteur attire les amateurs et les polars raffinés s’invitent en librairie. L’État marchand et innovateur, chantre de la globalisation heureuse, joue désormais habilement du soft power en contrepoint de son cousin décati, État communiste fossile qui souhaite plutôt jouer de la gâchette. Voici en résumé l’image habituelle que nous avons de ces deux frères fâchés.
Mais que pèsent soixante-dix années, depuis la guerre de Corée, sur l’échelle d’une culture bimillénaire, pour comprendre, non pas tant ce conflit idéologique fratricide, nourri d’une pensée matérialiste européenne, que cet appétit des Coréens pour le sacré ? Aux origines du « Matin calme », comment la divine Corée, terre des récits, temples des esprits, est-elle devenue, en son Sud évidemment, un vrai kaléidoscope de croyances ? Par quels faits, dans leur histoire, ses habitants ont-ils adopté des spiritualités aussi diverses que le chamanisme, le bouddhisme, le confucianisme, le christianisme, et les promesses d’avenir de certaines sectes ? Si les chamanes, installés depuis des millénaires, soutiennent des cérémonies spectaculaires à l’ombre des gratte-ciel où dansent les âmes, il faut également replonger dans la Corée médiévale, fabrique du mythe des origines du pays et de ses personnages légendaires. Entre autres son fondateur mythique Tan’gun et Kija le sage, les aïeux d’un royaume pleinement « civilisé », véritable miracle coréen.
Bertrand Audouy, rédacteur en chef
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